Une histoire de goûts et de famille : rencontre avec Élodie Swanberg, fondatrice de Finote
Lorsqu’on parle de recettes de grand-mère, on évoque ces “trucs” transmis de génération en génération. Pour Élodie Swanberg, c’est bien plus que cela : son arrière-grand-mère, surnommée Finote, a légué des carnets de recettes renversantes. La jeune femme leur fait traverser les siècles et les revisite en version 2024 et sans alcool. Rencontre.
Le parcours international d’Élodie Swanberg
La carrière d’Élodie Swanberg commence avec le design produit industriel. Après un Master à Paris, elle part travailler en agence à Amsterdam puis Shanghai. Après une dizaine d’années, elle s’installe à Stockholm et devient consultante dans le digital pour un grand groupe avant de rejoindre une start-up américaine. Elle crée ensuite avec son époux sa propre start-up, une plateforme dédiée à la RSE en entreprise. La technologie est revendue à un client suédois. Après 17 ans passés à l’étranger, elle revient à Argelès-sur-Mer avec sa famille, et c’est l’aventure Finote qui commence.
Vous vous présentez comme “arrière-petite-fille et fondatrice”. Quelle importance revêt cette filiation pour vous ?
La famille est tout simplement le point de départ. Finote était mon arrière-grand-mère et toutes les recettes que je réinterprète, ce sont des recettes familiales qu’elle a créées au 19e siècle. Mon aïeule créait ses apéritifs à la maison et les commercialisait en “marque blanche” dirait-on aujourd’hui, notamment auprès de mon autre arrière-grand-mère qui tenait la première épicerie fine de Perpignan. Elle les vendait aussi à des hôtels et restaurants de la région. Puis elle a arrêté de créer des recettes, mais les histoires familiales sont restées… Ainsi que le carnet de recettes.
Quand y avez-vous eu accès ?
J’ai toujours su que ces carnets existaient. Ma grand-mère les conservait parmi ses cahiers de recettes de famille, lorsque j’étais petite. Ils contiennent beaucoup de recettes : Finote était très créative. Vivant à Argelès-sur-Mer, donc près des Pyrénées, elle cueillait certaines plantes dans la montagne.
Que s’est-il passé entre la disparition de votre arrière-grand-mère et la création de votre marque ?
J’ai grandi avec ces histoires qui occupaient une place importante dans ma famille, surtout au moment des repas. Mais je n’avais moi-même jamais goûté les apéritifs originaux. Et c’est en discutant avec mes parents que j’ai eu l’idée de les réaliser, puis de les modifier pour en faire autre chose.
Comment étaient ces recettes originelles ?
Je les ai trouvées très intéressantes gustativement. On retrouve les notes traditionnelles des apéritifs d’antan, comme le Dubonnet ou le Byrrh. J’ai eu envie de leur redonner vie, mais cette fois sans alcool. Pour la partie recherche et développement, j’ai fait de nombreux tests. Pour commencer, j’ai redonné vie à la recette la plus classique. Certaines plantes sont aujourd’hui compliquées à trouver en grandes quantités, nous avons donc retiré et rééquilibré les ingrédients, ajouté d’autres… Un travail très prenant, que j’ai réalisé avec des experts, sommelier, œnologue, laboratoire technique. C’était nécessaire pour réussir à trouver l’équilibre parfait entre amertume et sucrosité.
L’amertume, qui était en vogue dans les apéritifs d’antan, est de nouveau à la mode.
Cette amertume très prononcée, comme dans la Suze avec la gentiane, est très à la mode notamment pour la mixologie. C’est un goût intéressant qui, bien équilibré avec d’autres ingrédients, peut apporter de la longueur en bouche. Lorsque nous faisons goûter nos produits à des barmen, ils ont immédiatement des idées de cocktails, avec ou sans alcool.
Finote est une marque sans alcool : un choix commercial, puisque le NoLo [no alcohol / low alcohol] est une tendance qui se confirme d’année en année ? Un engagement personnel ?
À titre personnel, j’apprécie un bon vin ou un bon champagne, mais j’ai toujours consommé de l'alcool avec modération. J’étais par ailleurs lassée de devoir toujours me justifier lorsque je ne buvais pas d’alcool. En consommer était considéré comme la norme, une norme culturelle bien ancrée. J’ai eu envie d’apporter une boisson avec des marqueurs liés à l’alcool. À la dégustation, certains professionnels sont même persuadés que notre apéritif en contient. L’amertume apporte cette longueur en bouche, cela peut être trompeur. Et en effet, le marché est prometteur.
Présentez-nous les produits de la gamme Finote.
L’Apéritif N°1 est gourmand, herbacé et amer. Il se décline en 25 et 74cl, et n’est pas sans rappeler les subtilités d’un vermouth ou d’un vieux banyuls. On est sur des notes riches de raisin mûr, fruits confits, boisé. Cela s’équilibre avec l’amertume de la gentiane. En finale, on retrouve des notes de pain d’épices qui apportent une touche gourmande à la boisson. Nous utilisons des ingrédients naturels avec une base de raisin blanc et des infusions de plantes fraîches très concentrées. Il se déguste bien frais, avec ses glaçons, ou peut aussi s’utiliser dans un cocktail. Quant à la seconde boisson, Le Spritz, la douceur de l’orange se marie avec l’amertume subtile de la gentiane, le tout sublimé par la fraîcheur herbacée du romarin. C’est une boisson pétillante que nous proposons en format 25cl, prêt à déguster.
La particularité de Finote, par rapport à ses concurrents ?
Nous réinventons des classiques et nous nous inscrivons dans la trajectoire d’une histoire familiale avec des recettes transmises de génération en génération. Par la suite, nous souhaiterions utiliser des plantes résilientes au changement climatique, qui est un vrai sujet, notamment dans le sud de la France. Nous nous intéressons à des plantations de nopal (figuier de barbarie) par exemple. De manière générale, nous avons à cœur de conserver ce côté terroir Catalan, et de proposer un produit soutenable.
Quelles sont vos ambitions en termes de distribution ?
Nous commençons à distribuer les produits Finote à l’échelle de la France, et nous souhaitons développer l’aspect commercial en Europe. Nous sommes en discussion avec la Suède et la Norvège, et nous aimerions entrer prochainement en discussion avec l’Espagne. Les pays scandinaves fonctionnent avec des systèmes de monopole, Systembolaget pour la Suède et Vinmonopolet pour la Norvège. En tant que produit sans alcool, Finote pourrait éviter ces circuits et leur process d’accès fastidieux, mais y être référencé permet d’être présent chez tous les cavistes du pays.
Votre clientèle cible ?
Aujourd’hui, c’est le plaisir gustatif qui lie nos clientes et clients. Et la recherche d’une alternative sans alcool, tout simplement. Mode de vie, santé, religion, grossesse, objectifs sportifs… Il existe de multiples raisons de ne pas souhaiter en consommer.
Que répondez-vous à ceux qui s’offusquent qu’on puisse imiter des produits, que ce soit des produits carnés, ou alcoolisés par exemple ?
Il est important d’être inclusif. Or, ces produits permettent d’inclure tout le monde, et de vivre peut-être plus harmonieusement les uns avec les autres. À chacun son choix.