Le whisky japonais célèbre son 100e anniversaire
L’histoire du whisky japonais a débuté en 1923. Autant dire qu’elle est récente, notamment si on la compare à celle du scotch whisky qui remonte au XVIIIe siècle. Pour autant, en un siècle, le Japon a su s’imposer comme l’une des grandes nations du malt. Explications.
Les premiers pas du whisky japonais
Yamazaki, la plus ancienne distillerie de whisky du Japon, a vu le jour en 1923 à Shimamoto, dans la préfecture d'Osaka. Si Shinjiro Torii, son fondateur, résolument visionnaire, a le sens du business, il ne maîtrise pas l’art d’élaborer les malts. Pour mener à bien son projet, il embauche Masataka Taketsuru, qui a grandi dans une famille de producteur de saké, à Hiroshima. Le jeune homme, étudiant en chimie, est surtout parti découvrir les secrets de fabrication du whisky en Écosse, en 1919.
L’histoire est en route. En 1924, les premières gouttes de distillat s’écoulent de l’alambic de Yamazaki. En 1929, le premier whisky japonais est commercialisé. Les fondations de Suntory, qui va devenir l’un des géants mondiaux des spiritueux, sont posées. D’ailleurs, en 1972, le groupe nippon ouvre Chita, une deuxième distillerie destinée à la production de whiskies de grains puis, Hakushu, un an plus tard, au pied des Alpes japonaises.
De son côté, en 1934, Masataka Taketsuru crée sa propre distillerie, Yoichi, sur l’île d’Hokkaido, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Sapporo. Aujourd’hui encore, elle est connue pour ses alambics chauffés à feu direct, une méthode traditionnelle héritée de son fondateur. En 1952, la société de Masataka Taketsuru prend le nom de Nikka, qui deviendra l’autre géant du whisky japonais. C’est d’autant plus vrai qu’en 1969, Nikka fonde une seconde distillerie, Miyagikyo, qui, en plus de ses pot stills, est équipée d’alambics Coffey pour produire des whiskies de grain.
Un troisième acteur de taille entre en scène en 1972 : la distillerie Fuji fondée au pied du Mont Fuji, à 620 mètres d’altitude. Propriété de Kirin, elle a la particularité d’élaborer sur le même site des whiskies de malt et trois types de whiskies de grain (légers, moyens et lourds).
Le saviez-vous ?
Au Japon, la toute première licence de production de whisky a été accordée en 1919 à la distillerie Eigashima qui élabore des spiritueux traditionnels nippons depuis 1888. Toutefois, après plusieurs tentatives de production effectuées dans leurs infrastructures, il faudra attendre 1984 et la construction d’une distillerie dédiée au whisky pour que ses premiers malts voient le jour.
Une histoire mouvementée
Le nombre de distilleries de whisky installées au Pays du Soleil Levant est longtemps resté modeste mais, depuis quelques années, il s’est considérablement développé. Pour preuve, en 2007, le Japon comptait huit distilleries de whisky en activité ; aujourd’hui, on en dénombre plus d’une centaine. De nouveaux acteurs comme Akkeshi, Kanosuke, Tsunuki, Nagahama, Tancho ou Yuza, qui ont déjà construit leur réputation grâce à la qualité de leurs embouteillages. Ce dynamisme s’explique par le succès du whisky nippon sur son marché domestique mais aussi – et surtout – à l’export.
L’industrie du whisky nippon a pourtant connu des temps difficiles lorsque, dans les années 80, alors que l’export n’était pas encore à l’ordre du jour, les Japonais se détournent des malts. À tel point que des distilleries à l’image de la mythique Karuizawa et de Hanyu ont fermé leurs portes.
2001 est une date importante dans l’histoire du whisky japonais. Cette année-là, Yoichi 10 ans est sacré « meilleur whisky » par Whisky Magazine. C’est la première fois qu’une telle récompense est attribuée à un whisky japonais. Un véritable événement qui va permettre aux distillateurs nippons de développer leurs ventes à l’export.
En 2003, Sofia Coppola a également contribué à faire connaître le whisky japonais en dehors des frontières de son pays. Dans son film Lost in Translation, l'acteur Bill Murray met en effet en avant le Hibiki 17 ans de Suntory.
2007 fait également partie des dates décisives. Pour relancer la consommation domestique de malts, Suntory lance une campagne publicitaire de grande ampleur pour remettre au goût du jour le high ball. Autant dire un whisky allongé d’eau pétillante, une boisson très simple à réaliser qui peut facilement se déguster tout au long du repas. Le succès est immédiat. Aujourd’hui encore, le high ball est l’un des drinks favoris des Japonais.
Last but not least : la même année, Ichiro Akuto, le petit-fils du fondateur de la « closed distillery » Hanyu, fonde Chichibu, une distillerie artisanale qui va très vite se faire un nom auprès des amateurs. Un signe fort qui va encourager d’autres passionnés à se lancer dans l’aventure du malt.
À partir de là, le succès des whiskies japonais est tel que les distilleries vont très vite manquer de stocks pour répondre à la demande, notamment de single malts âgés. D’ailleurs, Suntory a récemment annoncé vouloir investir dix milliards de yens (65 millions d'euros) dans ses distilleries Yamazaki et Hakushu pour augmenter leurs capacités de production.
Le saviez-vous ?
Contrairement aux autres pays producteurs de whisky, au Japon, il n’y a pas d’échange de stock entre les distilleries. Néanmoins, les choses sont en train d’évoluer : certains acteurs comme Nagahama et Saburomaru, mais aussi Chichibu et Mars, n’ont pas hésité à remettre en cause cette tradition.
Comment le Japon s’est-il imposé comme l’une des grandes nations du whisky ?
Les whiskies japonais doivent leur succès à leur style réputé pour sa grande élégance. Car si les producteurs nippons se sont tout d’abord inspiré des méthodes de production écossaises, ils se sont attachés à les perfectionner. Pour peaufiner leurs techniques de production, les distillateurs japonais se sont notamment appuyés sur le savoir-faire ancestral des producteurs de saké et de shochu.
Les distilleries japonaises sont également connues pour produire un grand nombre de whiskies différents qui vieillissent dans une grande variété de fûts différents, les plus réputés étant ceux fabriqués en mizunara, un chêne local. Cette diversité leur permet d’élaborer de très beaux blends, les Japonais étant d’ailleurs reconnus pour leur grande maîtrise de l’art de l’assemblage.
Le terroir japonais est aussi un atout de taille pour les producteurs de whisky nippon. Le Japon est en effet connu pour la grande qualité de son eau, l’un des éléments essentiels pour l’élaboration des malts. La diversité de son climat joue également en sa faveur.
Depuis le 1er avril 2021, le whisky japonais est régi par un cahier des charges, le premier de son histoire. Ce dernier encadre sa définition et son élaboration. Jusqu’à présent, des whiskies issus de l’assemblage de whiskies nippons et de whiskies produits à l’étranger pouvaient être commercialisés sous l’appellation « japanese whisky ». Désormais, pour pouvoir revendiquer l’appellation « japanese whisky », les ingrédients bruts entrant dans la composition doivent être limités aux céréales et l'eau doit être extraite au Japon. Par ailleurs, la saccharification, la fermentation et la distillation doivent être effectuées dans une distillerie au Japon et la teneur en alcool à la sortie de l’alambic doit être inférieure à 95%. Enfin, le whisky doit être vieilli au Japon, en fûts de bois d’une capacité maximum de 700 litres, pendant une période d'au moins 3 ans, et la mise en bouteille doit être réalisée au Japon, à un minimum de 40%.
L’avenir du whisky japonais semble placé sous les meilleurs auspices. Son succès ne se dément pas, les stocks se reconstituent peu à peu, le nombre de nouveaux acteurs ne cesse de se développer et le nouveau cahier des charges s’impose comme le garant de son authenticité.
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