Rosé de Corse : Les Stars du Vignoble de l’Ile de Beauté
Découvrez quels sont les meilleurs cépages autochtones pour la production des vins rosés de Corse et comment ces vins sont-ils devenus si populaires sur l’île et au-delà.
La Corse s’habille en rosé pour l’été
Si la Corse offre de grands rouges et de grands blancs, l’île est surtout un grand producteur de rosés, qui accaparent toujours les deux tiers de la production. Des rosés de caractère au parfum d’exotisme et aux noms de cépages imprononçables qui méritent la découverte, de préférence face à la mer ou sous une tonnelle ombragée.
La Corse offre une véritable polyphonie de vins en rouges, blancs, liquoreux, pétillants mais également des rosés remarquables. Si la référence rosé est avant tout provençale, ceux de Corse n’ont pas à rougir de la comparaison. Certains tendent à suivre la tendance générale du pâlissement avec une élaboration en pressurage direct, mais ils sont aussi de saignée avec une macération plus longue. Plutôt à base de grenache, cinsault, syrah, mourvèdre dans le Sud de la France, ils affichent ici un vrai caractère avec une base de cépages autochtones comme le niellucciu ou le sciaccarellu associés au grenache appelé elegante en Corse.
Les cépages Niellucciu et sciaccarellu, empereurs de l’île
Le vignoble corse (près de 5800 hectares) cerné par la Grande Bleue bénéficie d’un climat méditerranéen à fort ensoleillement, 3500 h/an, le plus important de France. Mais il profite également de l’influence mer et montagne avec de grandes amplitudes thermiques et d’une grande richesse géologique : à l’ouest, des sols granitiques occupent les deux tiers de l’île; à l’est, les schistes; au nord-ouest, des argilo-calcaires et au sud, des argiles parfois mêlés de silice.
Le nielluciu (niellu signifie noir et dur en corse) s’est imposé surtout au Nord dans l’appellation Patrimonio mais il représente plus d'un tiers des vignes de l’île. Un peu difficile à apprécier dans des vins jeunes, la nouvelle génération de vignerons a su l’apprivoiser, le rendre plus aimable en rouge et le vinifier en rosé, en monocépage ou en assemblage, souvent associé au grenache. Tout en puissance et riche en tanins, ces rosés sur les fruits rouges sont épicés et structurés.
Le sciaccarellu (qui veut dire craquant), trouve une terre de prédilection sur la côte d’Ajaccio, à Porto-Vecchio en passant par Figari et Sartène, Il donne des vins aux couleurs lumineuses, aromatiques et flatteurs, frais, tendus et minéraux sur une belle acidité, des arômes de petits fruits rouges et de maquis, un nez souvent poivré. Il s’épanouit aussi bien sur les sols granitiques de la côte ouest et de la Balagne au nord que sur la côte orientale.
Histoire viticole Corse : Flash back de rouge à rosé
Le vignoble corse a plus de 2500 ans. Il s’est développé comme la plupart des régions méditerranéennes sous l’influence grecque et romaine. Du 17ème au 19ème, la viticulture était devenue la ressource essentielle pour une majorité de la population avant que ne débarque, comme partout en Europe, le phylloxera qui a ravagé le vignoble. D’une culture vivrière dans la première partie du XXe, la vigne se redéveloppe à gros rendements avec l’arrivée des rapatriés d’Algérie dans les années 60 à qui l’on confie des terres, principalement dans la plaine orientale. Dans les années 50, 70 % des cépages étaient corses avant le grand remplacement par des cépages internationaux qui produisaient plus tels le carignan, le cinsault, l’alicante bouschet…
Dans les années 70, les cépages autochtones ne sont plus que 13%. À l’époque, le vin est rouge. La crise de la surproduction de vins de piètre qualité débouche sur une grande campagne d’arrachage. Le vignoble corse est alors passé de 30 000 hectares dans les années 60 à moins de 5 800 aujourd’hui. Ce n’est qu’à partir des années 90 que les Corses se réapproprient réellement le vignoble, commencent à produire à moindres rendements et à replanter des cépages autochtones, auxquels de grands vignerons passionnés d’ampélographie tels Jean-Charles Abbatucci, Antoine Aréna, Yves Leccia, font faire des bonds qualitatifs. Mais on ne s’intéresse toujours qu’aux rouges. Il faut attendre le XIXe siècle pour que se développe réellement les rosés.
Les coopératives jouent rosés gagnants
« Si aujourd’hui la viticulture corse se porte bien, c’est grâce à notre identité forte et à nos cépages autochtones, mais c’est aussi parce que nous avons su prendre le virage du rosé » estime le président des vins corses Eric Poli. Quasiment tous les producteurs (135 caves particulières) en élaborent aujourd’hui. Les coopératives fournissent les plus gros volumes souvent vendus en bag-in-box sur le continent à partir des années 2000.. Elles ne sont plus que quatre (avec 160 apporteurs) élaborant une majorité des vins en IGP Ile de Beauté rosé, à leur nom ou en marques de distributeurs pour les enseignes de grandes surfaces. Il y a dix ans, 94 % des volumes de vins corses vendus en grandes surfaces dans l’Hexagone étaient rosés (contre 52 % dans les supermarchés corses). Les coopératives abandonnent progressivement pinot noir et cabernets, gardent un peu de merlot et de cinsault, et renouent avec le sciaccarellu et le niellucciu tout en gardant le grenache. Les assemblages les plus courants sont d’ailleurs à base de ce trio de cépages principaux. Ils peuvent aussi être complétés de syrah, cinsault voire du vermentinu, cépage blanc autochtone. Les coops ont même initié une démarche collective inédite en se regroupant pour créer une cuvée Ile de Rosé en IGP Ile de Beauté dans une bouteille gravée avec la silhouette de l’île, travaillée avec soin à partir d’un cahier des charges plus strict afin de mieux la valoriser (8,90 - 9,50€). Un vin couleur pêche frais et léger, floral et fruité à majorité sciaccarellu pour porter les progrès qualitatifs du vignoble corse même si il ne rassemble aujourd’hui que deux coopératives.
Le rosé gagne les AOP
Aujourd’hui, les rosés pèsent toujours plus des deux tiers des volumes de l’île sur un total de 45 millions d’équivalent bouteille. Dans l’Hexagone, ils restent souvent plus cher que les rosés des autres régions françaises puisqu’il faut y ajouter 10 à 15 % de coût de transport mais dans l’île, ils sont hors TVA donc à des prix plus intéressants.
Les IGP peuvent être produites sur la totalité du vignoble, les AOP sur la moitié. Le rosé commence aussi à y trouver sa place. Dans les deux crus de l’île, Patrimonio et Ajaccio, le rosé pèse respectivement un tiers et un quart des volumes, le premier essentiellement à base de niellucciu (75 % minimum), le second à base de sciaccarellu (60 % minimum). En AOP Ajaccio, il n’est pas rare de le trouver en monocépage de sciaccarellu. En moyenne dans les AOP Corse « Villages » (Calvi, Sartène, Porto-Vecchio, Figari), il avoisine 30-35%, près de la moitié en Figari, mais il règne en AOP Corse régionale avec 72% des volumes.
Accords mets-rosés
L’avantage du rosé est qu’il est facile à marier. Les rosés légers et fruités de la côte orientale, à servir frais, se boivent dès l’apéritif et peuvent accompagner tout un repas tapas, salades ou grillades jusqu’aux desserts de fruits.
Ceux à base de sciaccarellu, croquants et légèrement épicés-poivrés accompagnent fruits de mer, poissons grillés, bouillabaisse, charcuteries; ceux à base de niellucciu des rougets, du canard, des viandes grillées.
Frédérique Hermine - Juin 2023